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Une Révélation de Millésime
Les changements des trois dernières années furent très profonds et bien que la situation soit toujours pesante au Liban, les vendanges 2022 m’ont éclairé.
Comme si mes compatriotes avaient envie de tourner la page et de passer à autre chose. Nombreux sont ceux qui ont besoin de vivre et de rire au pays, même s’ils ne sont pas arrivés à façonner un Liban à leur image et selon leurs ambitions. Les gens ont commencé à consommer local, à privilégier les produits du terroir, à produire leur propre électricité, à partir de l’énergie solaire, à travailler dans les champs!
Pour la première fois, j’ai ressenti que toute l’équipe de la cave était fière de la qualité de nos vins et de l’énergie que nous dépensons à trier le raisin par exemple, et à le manipuler avec soin. Certes, durant les millésimes précédents, cela se faisait, mais souvent parce que je veillais au grain, je voyais bien que certains se sentaient un peu contraints et forcés de suivre les consignes.
Le millésime 2022 fût une révélation pour moi, chaque membre de notre équipe veillait à son tour, fièrement au grain.
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Il m’a fallu du temps pour comprendre ce qui a changé, mais finalement c’est très simple. Avant 2019 chaque libanais était tourmenté car le critère de « réussite sociale » était démesuré : vivre une vie luxueuse au-delà du bon sens. Evidemment qu’un travail au champ ou à la cave ne pouvait pas satisfaire cette ambition démesurée et inhumaine. Maintenant, les gens ont réalisé que cette course effrénée a mené le pays au chaos. Au lieu de rêver de fortune en triant le raisin, aujourd'hui les équipes pensent au bonheur de produire un bon vin!
Après le cataclysme de 2019, il y a eu comme le choc de la réalité, une sorte de retour aux sources et un retour au terroir. Pour la première fois j’ai ressenti que l’énergie avait changé de camp!
C’est une sorte de réalpolitique au niveau individuel, indifféremment de la calamiteuse géopolitique qui s’acharne sur le pays du Cèdre.
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Bon, ce millésime 2022? Parlons-en! Un petit bonheur. Le raisin était beau et il y en avait pas mal cette année, un peu partout les volumes étaient conséquents.
Après un hivers très humide avec des pluies supérieures à la normale et des températures relativement basses, il a neigé 3 fois sur la Béqaa. Nous avons connu un printemps assez sec suivi d'un été aux températures clémentes, en gros, les 40 degrés ont été dépassés 1 ou 2 fois en juillet.
Après un début de vendanges au ralenti entre le 3 et le 10 août, nous avons eu une surprise de taille vers le 13 aout, un mercure qui vacille obstinément entre 41 et 43 degrés le jour, alors que le sol en profondeur était « sec de chez sec », car l’argile avait déjà restitué toute l’humidité emmagasinée depuis l’hiver et inutile de rappeler que la vigne n’avait plus ressenti de pluie depuis la mi-mai…. Alors que nous étions encore dans le nord de la Béqaa (TDB et Cap Est), à vendanger gentiment nos Grenache et Syrah, les densités ayant fait un saut spectaculaire sur toute la Beqaa sur des cépages relativement tardifs, tels que le Cinsault, le Tempranillo et la Clairette.
Branle-bas de combat, il fallait cravacher pour revenir dans le tempo et c’est durant ce contre la montre que j’ai réalisé le dévouement de notre équipe et leur bonheur à trier durant de très longues heures, des volumes conséquents de raisin avec le sourire, les blagues, la fatigue, les rires et les caractères de chacun.
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Ce millésime n’était pas au bout de ses surprises.Vue la crise économique, financière, sociale, bancaire, hospitalière, sociétale…. Nombreux sont les viticulteurs qui ont réduit les traitements sur la vigne pour réduire les dépenses.
En gros, les masques sont tombés durant ce millésime et je dois admettre que deux de nos petits fournisseurs de Cinsault sont aussi tombés dans le piège et n’ont plus pu nier qu’ils traitaient leurs vignobles derrière mon dos, puisque leurs raisins étaient décevants… Et à la grande surprise de certains de mes confrères, la plupart des vignobles sur des zones humides ont eu des raisins moins beaux que sur des vignobles situés dans la partie nord de la Beqaa, plus arides mais plus qualitatifs…. Le pari que Massaya a fait depuis le début se confirmait et a renforcé nos convictions que pour produire des vins organiques et biodynamiques, il fallait miser sur des terroirs moins productifs, plus pénibles à travailler, mais tellement plus complexes.
À la question, est-ce le meilleur millésime de Massaya? Je ne pourrais vous répondre avant de déguster calmement chaque cuve, chaque demie muid, chaque foudre, chaque jarre avec nos associés qui sont plus à mêmes de juger de manière objective vue l’expérience de Daniel et de Frederic Brunier et le vécu de Dominique Hebrard. Mais je peux affirmer sans équivoque, que j’ai eu beaucoup de plaisir avec notre équipe au cours des vendanges 2022 et que j’ai hâte de mettre en application de manière plus intensive les pratiques biodynamiques au vignoble!
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