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Pour faire pousser la vigne,
il faut des hommes épanouis
Les titres sont généralement attribués en fonction des études supérieures; Professeur(e), Docteur(e), Ingénieur(e), Maître(sse)... sauf un seul au Liban; "Mo3allem", prononcé "mouaallème", qui n'a pas d'équivalence mais est plutôt un titre évoquant le respect, indépendamment du niveau d'études, une sorte de "maître autodidacte".
Dans les métiers techniques, le titre est souvent décerné par consensus et s'apparente à une autorité naturelle. Au-delà de la hiérarchie, cela indique que l'équipe et/ou les clients ont jugé que l'apprenti a parcouru son chemin de vie professionelle avec brio, pour atteindre un niveau d'expertise reconnu et devenir "maître" de sa spécialité.
Et lorsqu'il devient à son tour source d'inspiration pour ses propres apprentis, et source de confiance pour ses compères, le titre lui est alors acquis. C'est un noble apprentissage de la vie que je trouve tellement enrichissant!
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Au-delà des connaissances techniques, à Massaya, il faut que le "mo3allem" ait acquis les qualités humaines nécessaires; mener les équipes en montrant l'exemple, être à l'écoute, faire part d'attention et de compassion vis-à-vis de ses subordonnés, partager généreusement ses connaissances et communiquer d'égal à égal avec les autres "mo3allem".
Mon rôle est de les soutenir et de les accompagner pour les aider à acquérir les qualifications nécessaires. Dernièrement, Massaya avait trois personnes communément désignées par "mo3allem": Le maître de chais, le technicien en chef et le responsable des expéditions... et nous sommes en phase de passer à cinq avec le responsable agricole et le maître distillateur qui sont tous deux entrain de prendre du gallon.
En d'autre tèrmes, ma mission principale est de m'assurer que ce mélange d'école technique, de confrérie et d'académie, fonctionnent de manière souple au sein de Massaya, et que les considérations subjectives telles que la jalousie, la peur, le clientélisme, les préjugés, les erreurs... ne frennent pas cet ascenseur social et professionel.
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Voir la vigne grandir est une chose, mais voir les hommes s'épanouir à son contact en est une autre!
Il existe au Liban des écoles d'agronomie classique mais aucun institut d'agriculture biologique, de biodynamie, de vinification ou de distillation... Donc, souvent, à Massaya, l'apprentissage ne peut qu'exister en interne. Et forcément, le processus est laborieux et les échecs nombreux. Il faut beaucoup d'humilité, de labeur, d'ouverture d'esprit, et surtout, il est indispensable d'obtenir l'adhésion de tous les membres de l'équipe pour ne pas enrayer le processus de promotion.
Prenons en exemple le poste du maître distillateur. Ce poste stratégique au sein de notre entreprise nécessite au moins trois campagnes de distillation pour que l'apprenant devienne jeune "mo3allem d'Arak traditionel", car le matériel dont les origines et la mise en œuvre remontent à la nuit des temps sont austères, les gèstes délicats et les étapes multiples.
C'est un métier artisanal, rigoureux, souvent ingrat, et qui réclame beaucoup de passion. En résumé, ce poste n'attire pas les foules! Et au bout de 15 campagnes, le "mo3allem distillateur" demande à évoluer... C'est pour cette raison qu'il est beaucoup plus commode d'importer un matériel de distillation industriel plus facile et rapide à manipuler, au lieu de reprendre le processus d'apprentissage du "mo3allem" de la distillerie à l'ancienne.
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À ma conaissance, plus aucun confrère, par mi les producteurs dont la réputation dépasse les frontières, n'utilise des alambics discontinus et artisanaux pour la distillation, donc le savoir-faire pour la création d'Arak authentique du Liban est entrain de disparaitre.
Évidemment, nous espérons qu'avec notre politique de porte ouverte, de transparence et de pédagogie, nous allons inciter de nouvelles vocations pour la distillation dans des alambics à tête de "maure" confectionnées artisanalement au Liban. Nous sommes, à mon grand regret, devenus des sortes de "gardiens du temple".
À Massaya, nous considérons qu'il serait dommage que cette terre qui ait initié cet artisanat séculaire, n'en perde la paternité; que notre boisson nationale, dont nous sommes si fiers, soit rétrogradée à un spiritueux anonyme, ôté de tout titre de noblesse, et ayant perdu toute son originalité gustative.
Des spiritueux anisés autour du bassin méditerranéen, il y en a beaucoup. Tandis que l'Arak du Liban se distingue par sa pureté, sa complexité aromatique, sa finesse. Comme souvent, l'élégence se cache dans les détails.
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